Alexis Devauchelle

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Appel des jugements des conseils de prud’hommes = Danger

Appel des jugements des conseils de prud’hommes = Danger

Force est de constater que la procédure civile d’appel a beaucoup évolué ces dernières années et même ces derniers mois.

La matière sociale et spécialement la matière prud’homale ont été spécialement impactées par les bouleversements voulus. Si le législateur a affirmé que certaines de ses plus récentes réformes étaient menées avec une volonté simplificatrice (voir à cet égard le décret fourre-tout du 6 mai 2017 n°2017-892 dit de modernisation et simplification de la procédure civile), cet intitulé n’a pas trompé longtemps les professionnels.

De simplification, le législateur est au contraire passé à une complexification assez extraordinaire des règles de procédure guidant les procès civils.

 

S’agissant tout spécialement de la procédure d’appel menée en matière prud’homale, le plaideur a dû très rapidement encaisser les nouvelles règles applicables – qui relèvent désormais de la procédure avec représentation obligatoire – et qui transfèrent en réalité toute la charge de la procédure sur ses épaules, les greffes des cours d’appel en étant désormais quasiment déchargés, à l’exception de la surveillance du respect des nouveaux délais mis à la charge des parties pour accomplir les actes nécessaires à la régularité de leur appel.

 

Un premier pas a été franchi par la Cour de cassation sur la question de la territorialité de la postulation pour les procédures d’appel des décisions des conseils de prud’hommes aux termes d’un avis du 5 mai 2017, dans les termes qui suivent.

L’application des dispositions du code de procédure civile relatives à la représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale résultant de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail n’implique pas la mise en œuvre des règles de la postulation devant les cours d’appel découlant des articles 5 et 5-1 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les parties pouvant être représentées par tout avocat, si elles ne font pas le choix d’un défenseur syndical.

 

Plus politique que juridique, cet avis n’a pas pour autant aidé les plaideurs fréquentant les chambres sociales des cours d’appel.

 

D’abord, il ne s’agit là que d’un simple avis et la Cour de cassation a déjà dans un passé récent, démontré que ses chambres n’hésitaient pas à statuer au fond, saisie d’un pourvoi, dans un sens radicalement opposé à un précédent avis rendu (voir à ce sujet sur la question de la simultanéité de la communication des pièces en appel l’avis n°1200005 du 25 juin 2012 et l’arrêt contraire de l’assemblée plénière du 5 décembre 2014 pourvoi n°13-19674).

 

Ensuite, d’autres règles de procédure obligent les parties en appel dans les matières avec représentation obligatoire, donc pour les appels des jugements des conseils de prud’hommes formés depuis le 1er août 2016, à régulariser l’ensemble des actes de leur procédure de manière dématérialisée - entendre là sous une forme informatique sécurisée via le RPVA, réseau privé virtuel avocat, et e-barreau.

La question peut-être désormais résolue de la territorialité de la postulation doit dès lors s’articuler avec les autres règles de la procédure d’appel.

L’article 930-1 du code de procédure énonce à cet égard dans sa version modifiée en vigueur depuis le 1er septembre 2017 :

« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.

Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique. »

La sanction du défaut de régularisation d’un acte par la voie dématérialisée est clairement exprimée : l’acte est irrecevable et cette irrecevabilité peut être soulevée d’office.

Avant la réforme de l’appel de mai 2017, le conseiller de la mise en état était d’ailleurs compétent pour connaître d’un incident portant sur cette question (Civ 2ème 25 juin 2015 pourvoi n°1417874) et cette compétence a été consacrée par l’article 914 du code de procédure civile en sa nouvelle rédaction issue du décret 2017-891 du 6 mai 2017.

Au regard des dispositions précitées, l’acte d’appel doit donc être transmis à la Cour par la seule voie électronique.

 

L’unique biais pour échapper à cette contrainte réside dans l’existence d’une cause étrangère à celui qui agit, telle qu’évoquée à l’alinéa deux de l’article 930-1 du code de procédure civile.

Cependant, cette ‘cause étrangère’ n’est aucunement acquise par avance et il appartient de s’en prévaloir en défense lorsque l’affaire et l’irrecevabilité de l’acte sont évoquées par le conseiller de la mise en état soit d’office soit en suite de conclusions d’incident signifiées par la partie adverse.

La question est des plus importantes tandis qu’un appel jugé irrecevable ne pourra plus être réitéré par application des dispositions de l’article 911-1 du code de procédure civile, que l’absence de conclusions d’appelant valablement notifiées entrainera la caducité de l’appel au visa de l’article 908 du code de procédure civile avec la même impossibilité de réitérer l’appel, et que l’absence de conclusions de l’intimé valablement notifiées provoquera leur irrecevabilité et l’irrecevabilité des pièces en défense au vu des articles 906 et 909 du même code.

 

Si la cause étrangère n’est pas acquise, son existence doit même plutôt être clairement démontrée par celui qui s’en prévaut, et cette démonstration est bien loin d’être simple.

Et si la cause étrangère de l’article 930-1 n’est pas la force majeure en matière contractuelle énoncée à l’article 1218 du code civile, elle n’y a pas moins quelques similitudes entre les deux notions.

C’est ainsi que la Cour d’appel de PARIS, aux termes d’un arrêt en date du 25 octobre 2017 (RG n°17/05055) qui a rapidement trouvé un écho auprès de la doctrine, a estimé qu’il appartenait aux avocats devant la chambre sociale, et ce même si les règles de postulation ne s’appliquaient pas, de respecter les règles édictées par le code de procédure civile et qu’ils ne pouvaient se prévaloir des dérogations applicables aux défenseurs syndicaux.

La Cour a déroulé ensuite son raisonnement, en sanctionnant par l’irrecevabilité de l’appel le plaideur ayant interjeté appel au seul moyen – imprudent - d’une lettre recommandée avec accusé de réception, alors qu’il lui appartenait de communiquer via le RPVA son appel.

Surtout, la Cour indique que l’avocat ne pouvait évoquer son impossibilité d’adresser son acte d’appel via RPVA et lui substituer un envoi par courrier recommandé. Il lui appartenait de se faire assister d’un confrère « disposant de cette faculté pour surmonter cette difficulté », laquelle ne constitue pas la cause étrangère prévue à l’alinéa second de l’article 930-1.

Ainsi, il est clairement exprimé par la Cour d’appel de Paris que la difficulté née de l’absence de lien informatique via le RPVA entre l’avocat et la juridiction saisie de l’appel ne constitue pas la fameuse cause étrangère salvatrice des pires châtiments procéduraux.

En d’autres mots, au vu de cet arrêt et dans l’attente d’une position différente éventuellement adoptée par la Cour de cassation, l’appel en matière sociale par avocat doit obligatoirement et à peine d’irrecevabilité être effectué via RPVA, au besoin avec l’assistance d’un confrère doté de l’outil adéquat.

 

La cause étrangère réside ailleurs que dans le fonctionnement du RPVA et ses défauts. Cette position adoptée par la 6ème chambre de la cour d’appel de Paris n’est aucunement une surprise pour le rédacteur de ces quelques lignes au regard de l’ensemble des jurisprudences les plus récentes en matière d’appel qui tendent à contraindre les parties à passer sous les fourches caudines d’une procédure certes  dématérialisée, mais nullement allégée et encore moins simplifiée.

Décidément en matière de procédure d’appel, c’est avec la ceinture et les bretelles qu’il faut avancer si l’on veut éviter les pires désagréments…

Publié le 26/11/2017

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